Читать онлайн «François le champi / Франсуа-найденыш. Книга для чтения на французском языке»

Автор Жорж Санд

George Sand

François le Champi

© Каро, 2021

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Chapitre I

Un matin que Madeleine Blanchet, la jeune meunière du Cormouer, s’en allait au bout de son pré pour laver à la fontaine, elle trouva un petit enfant assis devant sa planchette, et jouant avec la paille qui sert de coussinet aux genoux des lavandières. Madeleine Blanchet, ayant avisé cet enfant, fut étonnée de ne pas le connaître, car il n’y a pas de route bien achalandée de passants de ce côté-là, et on n’y rencontre que des gens de l’endroit.

“Qui es-tu, mon enfant? dit-elle au petit garçon, qui la regardait d’un air de confiance, mais qui ne parut pas comprendre sa question. Comment t’appelles-tu? reprit Madeleine Blanchet en le faisant asseoir à côté d’elle et en s’ agenouillant pour laver.

– François, répondit l’enfant.

– François qui?

– Qui? dit l’enfant d’un air simple.

– A qui es-tu fils?

– Je ne sais pas, allez!

– Tu ne sais pas le nom de ton père!

– Je n’en ai pas.

Il est donc mort?

– Je ne sais pas.

– Et ta mère?

– Elle est par là, dit l’enfant en montrant une maisonnette fort pauvre qui était à deux portées de fusil du moulin et dont on voyait le chaume à travers les saules.

– Ah! je sais, reprit Madeleine, c’est la femme qui est venue demeurer ici, qui est emménagée d’hier soir?

– Oui, répondit l’enfant.

– Et vous demeuriez à Mers?

– Je ne sais pas.

– Tu es un garçon peu savant. Sais-tu le nom de ta mère, au moins?

– Oui, c’est la Zabelle.

– Isabelle qui? tu ne lui connais pas d’autre nom?

– Ma foi non, allez!

– Ce que tu sais ne te fatiguera pas la cervelle, dit Madeleine en souriant et en commençant à battre son linge.

– Comment dites-vous?” reprit le petit François.

Madeleine le regarda encore; c’était un bel enfant, il avait des yeux magnifiques.

C’est dommage, pensa-t-elle, qu’il ait l’air si niais. “Quel âge as-tu? reprit-elle. Peut-être que tu ne le sais pas non plus”.

La vérité est qu’il n’en savait pas plus long là-dessus que sur le reste. Il fit ce qu’il put pour répondre, honteux peut-être de ce que la meunière lui reprochait d’être si borné, et il accoucha de cette belle repartie:

“Deux ans!

– Oui-da! reprit Madeleine en tordant son linge sans le regarder davantage, tu es un véritable oison, et on n’a guère pris soin de t’instruire, mon pauvre petit. Tu as au moins six ans pour la taille, mais tu n’as pas deux ans pour le raisonnement.

– Peut-être bien!” répliqua François. Puis, faisant un autre effort sur lui-même, comme pour secouer l’engourdissement de sa pauvre âme, il dit: “Vous demandiez comment je m’appelle? On m’appelle François le Champi.

– Ah! ah! je comprends”, dit Madeleine en tournant vers lui un oeil de compassion; et Madeleine ne s’étonna plus de voir ce bel enfant si malpropre, si déguenillé et si abandonné à l’hébétement de son âge.

“Tu n’es guère couvert, lui dit-elle, et le temps n’est pas chaud. Je gage que tu as froid?

– Je ne sais pas”, répondit le pauvre champi, qui était si habitué à souffrir qu’il ne s’en apercevait plus.

Madeleine soupira. Elle pensa à son petit Jeannie qui n’avait qu’un an et qui dormait bien chaudement dans son berceau, gardé par sa grand-mère, pendant que ce pauvre champi grelottait tout seul au bord de la fontaine, préservé de s’y noyer par la seule bonté de la Providence, car il était assez simple pour ne pas se douter qu’on meurt en tombant dans l’eau.