Читать онлайн «Angélique et le roi. Tome 1»

Автор Анн и Серж Голон

La série

01 : Angélique, marquise des anges 1

02 : Angélique, marquise des anges 2

03 : Le chemin de Versailles 1

04 : Le chemin de Versailles 2

05 : Angélique et le roi 1

06 : Angélique et le roi 2

07 : Indomptable Angélique 1

08 : Indomptable Angélique 2

09 : Angélique se révolte 1

10 : Angélique se révolte 2

11 : Angélique et son amour 1

12 : Angélique et son amour 2

13 : Angélique et le Nouveau Monde 1

14 : Angélique et le Nouveau Monde 2

15 : La tentation d'Angélique 1

16 : La tentation d'Angélique 2

17 : Angélique et la démone 1

18 : Angélique et la démone 2

19 : Angélique et le complot des ombres

20 : Angélique à Québec 1

21 : Angélique à Québec 2

22 : Angélique à Québec 3

23 : La route de l'espoir 1

24 : La route de l'espoir 2

25 : La victoire d'Angélique 1

26 : La victoire d'Angélique 2

Première partie

La cour

Chapitre 1

Angélique sommeillait à demi, l'esprit agité par de joyeux projets, comme une fillette à la veille de Noël. Par deux fois elle se redressa et battit le briquet pour allumer la chandelle et contempler, disposées sur des fauteuils près de son lit, les deux toilettes qu'elle revêtirait demain pour la chasse du roi et le bal qui suivrait. Elle était assez satisfaite de la toilette de chasse. Elle avait conseillé le tailleur pour qu'il sût donner au justaucorps de velours gris perle une coupe masculine qui contrasterait avec la finesse des formes de la jeune femme. Le grand feutre mousquetaire était blanc avec une retombée neigeuse de plumes d'autruche. Mais ce qui plaisait le plus à Angélique c'était la cravate. Un nouveau détail de mode sur lequel elle comptait beaucoup pour attirer l'attention et piquer la curiosité des grandes dames de la Cour. C'était un grand nœud de linon empesé, délicatement brodé de perles minuscules, qui, après avoir fait plusieurs fois le tour de son cou, s'épanouissait en forme de papillon. L'idée lui en était venue la veille. Elle avait longuement hésité devant son miroir, avait chiffonné au moins dix cravates parmi les plus belles que le mercier de la « Boète d'or » lui avait fait porter, enfin elle avait résolu de nouer le ruban « à la cavalière », mais plus grand que celui des hommes. Elle jugeait que le visage des femmes supportait mal le collet raide du justaucorps de chasse. Cette nuageuse blancheur sous le menton redonnait un cachet de féminité au costume. Angélique se recoucha et se retourna plusieurs fois. Elle songea à sonner pour se faire apporter une tisane de verveine afin de trouver le sommeil. Il lui fallait dormir au moins quelques heures, car la journée du lendemain serait lourde. Le rendez-vous de chasse aurait lieu vers la fin de la matinée, dans les bois de Fausse-Repose. Angélique, comme tous les invités du roi qui venaient de Paris, devait se mettre en route de bon matin afin de se rencontrer à l'heure dite avec les équipages venant de Versailles au carrefour des Bœufs. Il y avait en ce lieu, situé au cœur de la forêt, des écuries où les privilégiés envoyaient à l'avance leurs chevaux de selle. Ainsi les bêtes étaient encore fraîches au moment de courre le cerf. Aujourd'hui même Angélique avait pris soin d'envoyer là-bas, accompagnée de deux laquais, sa précieuse jument Cérès, pur-sang d'Espagne qu'elle avait payée mille pistoles.

Elle se redressa et ralluma. Décidément la toilette de bal était la plus réussie. De satin rose feu avec un manteau d'un « aurore » plus soutenu et un plastron rebrodé de fines fleurs de nacre rose. Pour parure elle avait choisi des perles rosés. En grappes pour les pendants d'oreilles, en sautoir de trois tours pour le cou et les épaules, en diadème « croissant de lune » pour la chevelure. Elle les avait acquises chez un joaillier qu'elle affectionnait parce qu'il lui parlait des mers chaudes d'où venaient ces perles, des longues transactions, des difficiles expertises et des longs voyages accomplis par elles, dissimulées dans des sachets de soie que se repassaient marchands arabes, marchands grecs ou marchands vénitiens. Ce commerçant quintuplait leur valeur par l'art qu'il possédait de donner à chaque perle le prix de la rareté et l'impression qu'on avait dû la ravir au jardin des dieux. Malgré la fortune qu'elle avait dû dépenser pour en devenir propriétaire, Angélique n'éprouvait aucune de ces arrière-pensées tourmentées qui suivent les trop folles acquisitions. Elle les regarda avec ravissement, posées dans leurs écrins de velours blanc, sur sa table de chevet. Pour tous les objets délicats et précieux que la vie pouvait dispenser elle se sentait gourmande. Cet appétit de possession était la revanche des années de misère qu'elle avait connues. Par miracle elle n'arrivait pas trop tard. Il était temps encore pour elle de s'orner des plus belles parures, de revêtir les robes les plus somptueuses, de s'entourer de meubles, de tentures, de bibelots sortant des mains d'artisans réputés. Tout cela très coûteux mais très choisi, avec un goût de femme expérimentée mais non blasée. Ses facultés d'enthousiasme restaient entières. Elle s'émerveillait parfois et remerciait le Ciel en secret de n'être pas sortie à jamais brisée de ses épreuves. Au contraire, son esprit restait juvénile.