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Автор Татьяна де Росней

TATIANA DE ROSNAY

ELLE S'APPELAIT SARAH

ROMAN TRADUIT DE L'ANGLAIS PAR AGNÈS MICHAUX

ÉDITIONS HÉLOÏSE D'ORMESSON

Copyright

Titre original : SARAH'S KEY

© Éditions Héloïse d'Ormesson, 2006. © Éditions Héloïse d'Ormesson, 2007, pour la traduction française.

ISBN : 978-2-253-12208-1 – 1re publication LGF

À Stella, ma mère

À ma Charlotte, belle et rebelle

À Natacha, ma grand-mère (1914-2005)

Mon Dieu ! Que me fait ce pays !

Puisqu'il me rejette, considérons-le froidement, regardons-le perdre son honneur et sa vie.

Irène Némirovsky,

Suite française, 1942.

Tigre ! Tigre ! Feu et flamme

Dans les forêts de la nuit,

Quelle main, quel œil immortel

Put façonner ta formidable symétrie ?

William Blake,

Les Chants de l'expérience.

AVANT PROPOS

Les personnages de ce roman sont entièrement fictifs. Mais certains des événements décrits ne le sont pas, notamment ceux survenus pendant l'été 1942, sous l'Occupation, et en particulier la rafle du Vél d'Hiv qui eut lieu le 16 juillet 1942 en plein cœur de Paris.

Ce livre n'est pas un travail d'historien et ne prétend pas l'être. C'est mon hommage aux enfants du Vél d'Hiv qu'on ne revit jamais.

Un hommage aussi à ceux qui survécurent et témoignèrent.

PARIS, JUILLET 1942

La fillette fut la première à entendre le coup puissant contre la porte.

Sa chambre était la plus proche de l'entrée de l'appartement. Dans la confusion du sommeil, elle avait d'abord pensé que c'était son père qui remontait de la cave où il se cachait, qu'il avait dû oublier ses clefs et insistait parce que personne ne l'avait entendu quand il avait frappé discrètement. Mais bientôt des voix s'élevèrent dans le silence de la nuit, fortes et brutales. Ce n'était pas son père. « Police ! Ouvrez ! Tout de suite ! » Le martèlement reprit, plus fort encore. Vibrant jusque dans la mœlle de ses os. Son jeune frère, qui dormait à côté d'elle, commença à s'agiter dans son lit. « Police ! Ouvrez ! Ouvrez ! » Quelle heure était-il ? Elle jeta un coup d'œil entre les rideaux. Il faisait encore sombre.

Elle avait peur. Elle pensait à ces conversations, ces murmures nocturnes, que ses parents avaient échangés croyant qu'elle dormait. Mais elle avait tout entendu. Elle s'était glissée jusqu'à la porte du salon et là, avait écouté et regardé ses parents à travers une petite fente dans le bois. Elle avait entendu la voix nerveuse de son père. Avait vu le visage angoissé de sa mère. Ils discutaient dans leur langue natale, que la fillette comprenait, même si elle ne la parlait pas très bien. Son père avait dit tout bas que les temps à venir seraient difficiles. Qu'il faudrait être courageux et très prudent. Il avait prononcé des mots étranges et inconnus : « camp », « rafle », « arrestation », et elle se demandait ce que tout cela pouvait bien signifier. Son père, toujours très bas, avait ajouté que seuls les hommes étaient en danger, que les femmes et les enfants n'avaient rien à craindre, et qu'il irait donc chaque soir se cacher.

Le lendemain matin, il avait expliqué à sa fille qu'il était plus sûr qu'il dorme à la cave pendant un moment. Jusqu'à ce que les choses « rentrent dans l'ordre ». Quelles choses ? pensa-t-elle. « Rentrer dans l'ordre », qu'est-ce que ça voulait dire au juste ? Et quand cela arriverait-il ? Elle brûlait de lui demander ce que signifiaient les mots étranges qu'elle avait entendus, « camp » et « rafle ». Mais il aurait alors fallu avouer qu'elle les avait espionnés, et plusieurs fois, derrière la porte. Elle n'avait pas osé.